Frédéric Choinière, journaliste et présentateur sur Unis TV a décidé de relever le défi de consommer des produits 100 % canadiens. Son projet a pour nom «Ma vie Made in Canada».
Quatre émissions sont produites et suivent les aventures (ou peut-être mésaventures parfois) de Frédéric durant un an selon un cycle de quatre saisons.
Made in Canada au quotidien
Frédéric commence l’aventure en faisant le bilan de ses possessions pour ne garder que celles qui correspondent à son défi. Il se rend compte assez rapidement que celles-ci ne dépassent pas la dizaine et qu’il doit remédier à la situation. Cela amène Frédéric à se poser la question suivante : quelle est la différence entre le «fait au Canada» et le «produit du Canada»?
Selon la définition du Bureau de la concurrence, un bien est considéré «produit du Canada» si au moins 98 % des coûts directs de production ou de fabrication ont été engagés au pays. Pour ce qui est du «fait au Canada», il suffit qu’au moins 51 % des coûts directs de fabrication ou de production soient engagés ici. Le point en commun entre les deux définitions est que la dernière transformation substantielle doit aussi se faire à l’intérieur des frontières canadiennes.
Nous suivons par la suite Frédéric dans ses péripéties pour meubler son appartement torontois, garnir sa garde-robe, s’alimenter, se déplacer, s’informer, se cultiver et travailler. Autant de défis qui l’attendent et qui ne s’annoncent pas faciles à surmonter. Selon les saisons, les défis sont différents.
Je vous avouerai que j’ai moi-même été surprise par l’étendue du défi à relever. À première vue, quand nous pensons à consommer canadien, notre premier réflexe est de penser aux biens achetés, aux biens matériels. Nous oublions souvent les transports, les «produits culturels», mais aussi nos possessions actuelles aussi basiques soient-elles, comme notre brosse à dents! Un autre défi de taille, ce sont nos fameux appareils électroniques! Les «hyperconnectés» que nous sommes et la place qu’occupent ces appareils dans nos vies pour toutes nos communications et pour nous aider dans nos tâches quotidiennes nous ont rendus dépendants. En effet, les alternatives aux appareils électroniques fabriqués majoritairement en Asie, sont quasi-inexistantes. Probablement le seul point noir de la quête de Frédéric.
Le défi que s’est lancé Frédéric est certes très difficile et exigeant. Cependant, pour beaucoup de produits, le défi est plus facile que nous pouvons l’imaginer. Il faut juste prendre le temps de bien magasiner afin de modifier tranquillement nos habitudes de consommation.
J’ai pu m’entretenir avec Frédéric. J’en ai profité pour lui poser quelques questions quant au défi «Ma vie Made in Canada».
Entrevue Avec Frédéric Choinière
Quelle était votre première motivation en vous lançant dans le défi de consommer du Made in Canada pour un an?
La principale motivation derrière le projet documentaire «Ma vie Made in Canada» était de continuer à m’éduquer pour faire les meilleurs choix de consommation possibles. Pas que je souhaite réduire le citoyen à un seul rôle de consommateur, mais n’empêche que c’est une façon directe et quotidienne d’avoir un impact sur nos écosystèmes naturels, sociaux et économiques. J’avais aussi le goût de relever un défi, j’étais curieux de découvrir l’étendue et la diversité de ce qu’on fabrique encore chez nous aujourd’hui.
Cela dit, l’idée de série télé est adaptée du documentaire «Made in France» diffusé sur Canal + de l’autre côté de l’Atlantique. On a décidé de se baser sur ce documentaire unique et de décliner le concept pour suivre les quatre saisons de l’année, chacune amenant son lot de défis particuliers.
Quels sont vos conseils pour les personnes qui veulent acheter canadien et encourager la consommation locale?
On dit souvent qu’Internet est une technologie de «disruption» néfaste pour les petits commerces. Cependant, j’ai réalisé qu’Internet peut aussi être un allié de la production et de la consommation locales. Plusieurs répertoires en ligne permettent aux artisans et producteurs de vendre directement, sans intermédiaires coûteux. Pour les clients, ces mêmes répertoires facilitent grandement la recherche de produits fabriqués dans notre région, notre province ou notre pays. Pendant mon année #madeincan, j’ai vraiment apprécié pouvoir, en quelques clics, trouver ou acheter les produits qui me manquaient. La Marketplace de Signé local est arrivée à point nommé!
Au-delà du magasinage en ligne, je dirais que mon premier conseil est d’y aller progressivement. Vous avez un objet à remplacer ou un cadeau à acheter? Profitez-en pour faire un peu d’exploration, surtout si ce n’est pas urgent. Car il faut vraiment prendre le temps de repenser sa façon de consommer. Les produits locaux sont souvent plus chers, quoique pas nécessairement. Surtout, ils ne sont pas toujours offerts dans les magasins qu’on a l’habitude de fréquenter. Bref, il faut se donner le temps de découvrir de nouveaux commerces, d’essayer de nouveaux produits. Ce n’est pas parce qu’un produit est fabriqué localement qu’il nous plaira nécessairement. Il faut donc aussi être prêt à faire quelques essais, à ne pas se décourager si ce n’est pas fructueux dès le départ.
Quels seraient les changements à apporter, à votre avis, si vous étiez un manufacturier ou un industriel canadien? L’étiquetage joue un rôle important, je suppose?
On a vraiment un problème d’étiquetage! Ça fait des années que les consommateurs demandent des étiquettes plus claires, que ce soit pour savoir si l’aliment contient des OGM ou pour connaître la provenance d’un produit. On a demandé une entrevue avec le Bureau de la concurrence d’Industrie Canada qui gère les appellations «Produit du Canada» et «Fait au Canada». Malheureusement, on a décliné nos demandes répétées. À l’heure actuelle, un manufacturier n’est pas tenu d’indiquer le lieu de fabrication. Si la production satisfait les critères du «Made in Canada», alors le fabricant peut le mentionner sur l’étiquette, à son choix. Mais il n’y a pas d’uniformité ni de label officiel, contrairement à ce que font la France et l’Australie, par exemple.
En parlant avec différents manufacturiers lors des tournages, j’ai aussi compris qu’on marche souvent sur des œufs dans nos relations avec les États-Unis, notre principal partenaire commercial. D’un côté, les entreprises qui font du «Made in Canada» ont besoin d’avoir accès au marché américain pour survivre, puisque notre marché est limité. Il peut donc être contre-productif d’afficher un gros Fait au Canada sur un produit destiné à l’exportation, surtout quand l’ambiance est au protectionnisme au sud de la frontière. Une solution pourrait être de modifier légèrement l’emballage selon la destination du produit : chez nous ou à l’étranger. C’est le cas pour la lotion hydratante que j’achète. J’ai remarqué que les contenants vendus au Canada affichent fièrement une feuille d’érable et la mention Fait au Canada alors qu’il n’y a rien de tout ça sur les contenants vendus aux États-Unis!
Est-ce que vous pensez que le local reste quand même un peu inaccessible aux foyers à revenus faibles ou moyens? Est-ce que c’est élitiste comme type d’achat?
Malheureusement, vivre 100 % local rime encore souvent avec prix plus élevés. Ça n’a pas été de tout repos pour moi seul, alors j’imagine avec deux ou trois enfants à nourrir, à vêtir. Les vêtements faits ici sont souvent pas mal plus chers que ceux qui nous viennent de l’Asie du Sud-Est (à moins que ce ne soit le contraire, que le prix des vêtements importés ne reflète pas le coût réel de leur production).
Cela dit, il y a des moyens de consommer des produits d’ici sans se ruiner. Je donne souvent l’exemple des produits d’hygiène personnelle et des produits ménagers. On en fait d’excellents ici, ils sont souvent écologiques et ne coûtent pas plus cher. Idem pour certains produits en plastique (contenants alimentaires, bacs et poubelles, bottes de caoutchouc) qui sont offerts à bas prix dans des magasins à grande surface. Est-ce qu’acheter local est élitiste? Je pense que ça nous confronte plutôt à nos habitudes de consommation et que ça remet en question la notion de valeur qu’on accorde aux biens et produits qu’on achète.
On s’arrête souvent au prix et c’est compréhensible. Mais je pense qu’on devrait plutôt penser à la valeur d’un produit, tant économique qu’humaine et environnementale. Est-ce que ce produit est bien fait? Est-ce qu’il a permis à des êtres humains de travailler dignement, de se réaliser? Est-ce qu’il va durer – et me plaire – longtemps? Est-ce que je peux amortir son coût d’achat dans le temps, voire le transmettre à d’autres? C’est tout ça. Et aussi le plaisir de renouer avec une notion de terroir, un peu comme avec les vins et aliments d’origine contrôlée. Découvrir comment notre climat, notre géographie, notre (ou nos) culture(s) influencent la conception et la fabrication de ces mille et un objets dont on s’entoure dans la vie.
La version intégrale de la série «Ma vie Made in Canada» est disponible du 7 octobre au 19 décembre pour visionnement en ligne en cliquant sur ce lien. Nous pouvons également découvrir, sur le site Ma Vie Made in Canada, un répertoire de tous les objets que Frédéric a trouvés pendant son année ainsi qu’une série de capsules animées.
Révisé par Marie-Ève Patry
Couverture : Brock Hodgkinson
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