En temps de pandémie, où chacun doit rester chez soi et limiter ses contacts avec l’extérieur, où les autres ne sont plus que des ombres, chacun vit et connaît désormais la difficulté de l’isolement. Toutefois, malgré ce vécu nouveau d’un cloisonnement général de la société, l’éloignement social, lui, n’est pas récent et a fait des victimes bien plus tôt. Au début du siècle dernier, les femmes, particulièrement en région, dans les secteurs agricoles, voyaient leur rôle les condamner à se cantonner aux frontières du nid familial, chacune d’elles étant à distance les unes des autres. Pour briser leur isolement, deux agriculteurs mettaient alors sur pied les Cercles de Fermières du Québec. Cent-cinq ans plus tard, alors qu’ils sont devenus la plus grande association féminine au Québec, la force de leur mission se veut toujours autant retentissante, particulièrement dans le contexte actuel.
Mission et implication au sein de la société québécoise
Les Cercles de Fermières sont des acteurs patrimoniaux non négligeables, chacune des femmes étant une gardienne de la richesse culturelle de notre province. Dès l’âge de quatorze ans, les jeunes femmes de partout au Québec peuvent s’engager dans l’un des six-cents cercles de la province, une grande partie venant avec un héritage de partage de connaissances vieux de cent ans, pour ainsi cultiver la mission de cette institution. Ces regroupements sont actifs sur plusieurs plans, que ce soit social, communautaire, environnemental, politique et économique. Leurs buts et leurs accomplissements sont multiples et les femmes québécoises qui décident d’entrer sous leur bannière défendent leurs causes fièrement, ayant ainsi la possibilité d’être les émettrices et les bénéficiaires d’un savoir centenaire.
Par leur volonté de protéger le patrimoine culturel québécois, mais aussi d’améliorer les conditions de vie de la femme et de la famille, les Cercles de Fermières cherchent à avoir un impact par la création artisanale qui les animent. Dans une optique intergénérationnelle, non seulement les membres entre elles mettent de l’avant la notion de partage, mais elles sont également amenées à œuvrer auprès de la jeunesse pour transmettre leurs connaissances et garder vivant le feu sacré des traditions québécoises. Femmes d’action, elles arriment leur mission à une grande implication au niveau social, se voulant un des piliers des communautés dans lesquelles elles s’inscrivent, fournissant notamment une variété de produits confectionnés à la main à des organismes qui en ont besoin. Au-delà du niveau local, les Fermières québécoises s’impliquent également au niveau national, soutenant ainsi quatre organismes, plus précisément la Fondation Olo, Mira, l’Associated Country Women of the World et Préma-Québec, en faisant du bénévolat et en organisant diverses collectes de fonds, devenant ainsi incontournables auprès de ceux-ci.
Un rôle d’influenceur
De plus, bien que apolitiques, les Cercles de Fermières cherchent à être un acteur de changement dans le but d’accomplir leur mission et n’hésitent pas à porter des causes qui leur tiennent à cœur devant les instances gouvernementales. En ce sens, les femmes membres ont créé un comité des dossiers qui traitent l’ensemble des sujets sur lesquels elles souhaitent se positionner, notamment en matière d’environnement, d’économie et de sécurité, toujours dans l’optique que les conditions de vie de la femme et de la famille doivent être améliorées. En ce sens, elles ont notamment prôné une redéfinition de la notion de forfait famille qu’elles ont porté jusqu’au gouvernement, plus précisément au ministère du Tourisme, pour que le modèle familial d’une famille deux parents deux enfants des forfaits touristiques québécois soit remis en question alors que les modèles de familles se diversifient et que les réalités sont de plus en plus multiples et pas toujours collées sur le modèle de la famille nucléaire.
Une institution à l’air du temps
Depuis les dernières années, les Cercles de Fermières vivent un vent de renouveau avec l’engouement pour le fait à la main au Québec et les valeurs environnementales. Les Cercles de Fermières cherchent alors à rejoindre l’ensemble des femmes du Québec, autant en région rurale qu’en région urbaine, puisque plusieurs peuvent se sentir interpellées par les valeurs d’entraide, de partage et de don de soi dans un désir de réunir les femmes autour des travaux manuels traditionnels.
Que ce soit au niveau langagier ou au niveau culturel, les Cercles de Fermières se donnent également comme mission de préserver le patrimoine québécois, se voulant un vivier pour la conservation de notre héritage canadien-français. Craignant que personne ne prenne cette responsabilité et ne s’assure du rayonnement de nos traditions auprès des jeunes générations, ils ont choisi d’assurer ce rôle crucial d’entretenir la souvenance québécoise et d’empêcher nos coutumes immémoriales de tomber dans l’oubli. Partie intégrante du patrimoine de la province, si ce n’est de son identité, les Cercles de Fermières se dressent donc en responsables de la succession des savoir faire ancestraux, faisant de la richesse d’hier la fortune d’aujourd’hui, alimentant un doux nationalisme face à la mondialisation.
Le virus, ses turbulences et la nécessité d’une prise de conscience
Alors que nos aînées sont confinées, avec une moyenne d’âge de 68 ans, les Cercles de Fermières du Québec voient leurs activités ralenties, si ce n’est complètement arrêtées. Celles qui veulent être un liant au sein des collectivités et œuvrer dans l’ombre pour venir en aide à leur prochain se voient aujourd’hui limitées dans leur capacité d’action, obligées de rester chez elles. Alors que ces femmes ont voulu aider l’ensemble de la population québécoise, tous genres confondus, dans les collectivités de toutes tailles, c’est aujourd’hui à la société québécoise de soutenir ces femmes qui se sont donné la mission de garder l’identité québécoise vivante, s’érigeant en rempart contre ceux qui voudraient nous faire oublier nos racines.
Cette situation nous rappelle qu’en ces temps difficiles, il est crucial de soutenir nos aîné(e)s et de leur témoigner notre présence, de leur venir en aide s’ils en ont besoin et de leur reconnaître le rôle et la place qu’ils ont de droit dans la société québécoise, c’est-à-dire gardiens de la mémoire collective. Ils sont les seuls témoins d’une autre époque, ceux par qui les traditions restent vivantes et nous leur devons beaucoup, car on ne peut ignorer le passé pour construire l’avenir. Source d’un savoir immémorial, nos aîné(e)s méritent respect, dignité et reconnaissance, alors qu’ils demeurent des acteurs incontournables dans l’édification du Québec d’aujourd’hui.
Je tiens à remercier Mme Caroline Pelletier, directrice générale des Cercles de fermières du Québec, qui m’a accordé une entrevue éclairante pour la réalisation de cet article.
Révisé par Marie-Pascale
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