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Matériaux de conception : la face cachée de la mode

Matériaux de conception et mode

Au cours des cinquante dernières années, le milieu de la mode a subi de profondes transformations. Un changement de cap draconien s’est opéré, donnant ainsi naissance au fast fashion. Les vêtements sont devenus beaucoup plus abordables et, ainsi, plus aisément jetables.

Mais, qui dit baisse des coûts de production dit coupes dans les mesures de sécurité sur les lieux de fabrication, que ce soit pour le personnel ou l’environnement. À ce jour, l’industrie de la mode est la deuxième industrie la plus polluante au monde, seulement précédée par celle du pétrole (Morgan, 2015). Les matériaux employés dans la conception de ce qu’on appelle le prêt-à-porter sont un point clé de la problématique actuelle. Les impacts qui en découlent et les alternatives possibles seront étudiés plus en détail dans l’article suivant.

La vérité derrière les fibres

Le coton

Le coton est l’un des textiles les plus connus, de même que l’un des plus utilisés. Toutefois, la culture du coton reste une des cultures les plus polluantes au monde. En effet, ce sont 10 % des engrais chimiques et 25 % des pesticides produits dans le monde qui sont employés dans la culture de cette fibre (Cloutier, 2013). Un usage aussi intempestif de produits chimiques a de lourdes conséquences environnementales : la pollution des sols, la contamination des nappes phréatiques et des cours d’eaux par le ruissellement, etc.

Au niveau humain, l’usage des pesticides et des insecticides compromet beaucoup la santé de ceux qui sont en contact avec de telles substances. En effet, dans les régions productrices, on observe une recrudescence des cancers de même que des maladies mentales et congénitales (Morgan, 2015). Et alors que l’on s’inquiète de plus en plus des effets des OGM (organismes génétiquement modifiés) au niveau de l’alimentation, il faut savoir que le coton qui se trouve dans nos vêtements peut lui aussi être génétiquement modifié.

Matériaux de conception et mode

Crédit: O’Lou

Pourtant, il existe plusieurs autres textiles pouvant se substituer au coton. Prenons, par exemple, le coton biologique, un coton produit sans l’ajout de pesticides. Le lin ne nécessite pas, lui non plus, l’usage de pesticides, de même que la laine et le chanvre (Meemoza, 2017). Le coton recyclé et le bambou font aussi partie des alternatives existantes au coton (Message Factory, 2017).

Chez Signé Local, plusieurs entreprises font déjà usage de tels matériaux. Notons, entre autres, Gaia & Dubos, Kid’s Stuff, Éco&Éco et O’lou, pour ne nommer que celles-là.

Le cuir

Du côté du cuir, les impacts sont plutôt similaires à ceux du coton, à quelques différences près. Soulignons l’usage du chrome lors du tannage du cuir, un produit toxique dont les émanations sont très dangereuses (Morgan, 2015). Le sort réservé aux animaux exploités dans cette industrie laisse aussi souvent fortement à désirer; les bêtes sont traitées avec cruauté et souffrent beaucoup.

Toutefois, le cuir tanné au chrome peut être remplacé par du cuir tanné végétal, soit un cuir dont le tannage est effectué à l’aide de plantes, ce qui est beaucoup plus sain. Miljours, notamment, emploie cette technique dans la conception de tous ses sacs.

matu cuir tanné bégétal

Crédit: Miljours

Le jeans

Le denim, constituant de nos chers jeans, n’est pas non plus innocent. Le gaspillage d’eau est immense dans la production d’un seul jeans; ce sont près de 10 000 litres d’eau pour une seule paire de ce fameux pantalon. Bien sûr, il faut y ajouter un demi-kilo de produits chimiques pour obtenir le produit désiré (Cloutier, 2013). Pour l’effet délavé de certains modèles, des techniques de sablage à haute pression sont utilisées. Dans les grains de sable projetés, se trouve de la silice, un produit responsable de plusieurs maladies pulmonaires développées par les employés des manufactures, car l’usine ne leur fournit pas l’équipement de protection nécessaire (Cloutier, 2013).

Pour un choix plus responsable, il est préférable d’opter pour des jeans fabriqués à partir de coton biologique et de les prendre non délavés (Cloutier, 2013). Message Factory est une entreprise qui utilise plusieurs matériaux alternatifs, dont le denim fabriqué à partir de coton biologique.

Fibres végétales

Alors que les vertus de la rayonne et du modal sont vantées parce que ces fibres végétales sont écoresponsables, ces matériaux ne sont pas toujours aussi irréprochables qu’ils le laissent croire. À l’insu des détaillants et des consommateurs, certaines productions proviennent de forêts anciennes (Gagnon-Paradis, 2014). Cela peut donc menacer des espèces ou briser l’équilibre précaire de certains écosystèmes.

matériaux de conception et mode

Crédit: Alex Krivec

Or, les fibres végétales, comme la rayonne et le modal, si on s’assure qu’elles proviennent de forêts durables, constituent tout de même de véritables clés à la pollution vestimentaire. À ces dernières s’ajoutent le Tencel et le Lyocell, deux fibres qui font leur apparition sur le marché et qui constituent des possibilités très intéressantes à considérer dans l’avenir. (Gagnon-Paradis, 2014).

Parmi les membres Signé Local, l’entreprise de vêtements pour femme Meemoza est sans aucun doute une entreprise qui se démarque grâce à l’utilisation de ces fibres et de plusieurs autres textiles responsables.

Conditions de travail

Il ne faut pas négliger le fait que les conditions de travail et de vie des employés de l’industrie du textile sont exécrables. Elles comprennent bien souvent des salaires de misère, des normes du travail inadéquates si elles ne sont pas tout simplement absentes, des syndicats interdits, des lieux de travail insalubres et souvent peu sécuritaires, etc. Bref, on obtient un portrait bien peu flatteur de cette industrie qui se targue de vendre de la beauté!

Matériaux de conception et mode

Crédit: Message factory

La place et le rôle du consommateur

Si on observe la situation, il est facile de désespérer en voyant le colossal redressement qui doit être fait dans le milieu de la mode. Certains se diront qu’il n’y a rien à faire, qu’un changement de leur mode de vie n’aura rien de significatif. Et c’est là qu’ils se trompent! Notre société est basée sur le capitalisme, un système économique qui, si on le simplifie, consiste à produire une offre venant répondre à la demande des consommateurs dans le but de faire du profit. En outre, c’est au sommet de cette chaîne de production et de vente que se situe le consommateur. En effet, il représente, en quelque sorte, la pierre angulaire de ce système économique.

Si l’intérêt du consommateur se porte vers des articles vestimentaires plus respectueux de l’environnement et issus du commerce équitable (donc qui assurent des conditions de vie et de travail adéquates aux ouvriers du textile), la mode a tout intérêt à se tourner vers ces mêmes produits si elle veut continuer à s’enrichir. Il suffit que chacun y mette du sien pour enclencher un mouvement de masse face auquel la mode n’aurait pas d’autre choix que de s’adapter.

Achat local

Les matières responsables ne sont pas les seules solutions possibles. Un autre moyen, qui est fortement promu par Signé Local, est l’achat local. En se procurant un produit conçu et fabriqué au Québec, on s’assure que les employés qui contribuent à sa fabrication sont bien rémunérés et qu’ils travaillent dans de bonnes conditions grâce à l’existence des normes du travail au Québec.

éco&éco conception fait main

Crédit: Éco&Éco

Slow fashion

Néanmoins, je ne suis pas naïve au point de penser que tout le monde a les moyens de doubler ou de tripler son budget vestimentaire pour acheter des vêtements davantage responsables, étant moi-même étudiante. Dans ce cas, une option bien simple se présente à vous : vous concentrer sur l’essentiel. Il faut limiter nos achats à ce dont nous avons vraiment besoin.

Enfin, en tant que consommateur, nous avons un rôle, mais surtout une responsabilité dans l’impact environnemental et social du fast fashion. Il est aussi impératif que les grands noms de l’empire de la mode changent de manière définitive leurs méthodes de production. Avec des revenus s’élevant à environ 3 milliards de dollars par année (Morgan, 2015), l’industrie en question a amplement les moyens d’opter pour une mode éthique, respectueuse de l’environnement et de ses employés.

Il est temps de délaisser ce capitalisme trop avide qui dirige le milieu de la mode pour des principes d’équité, de respect et d’écoresponsabilité qui viennent répondre aux préoccupations actuelles.

Révisé par Marie-Ève Patry

Couverture: Kid’s stuff – Trucs d’enfants

Sources
Cloutier, M. (10 octobre 2013). L’impact environnemental de votre jeans préféré . Repéré à http://matv.ca/montreal/matv-blogue/mes-articles/2013-10-10-l-impact-environnemental-de-votre-jeans-prefere
Gagnon-Paradis, I. (24 janvier 2014). Le coût environnemental des fringues
Meemoza. (2017). Mode éco-responsable. Repéré à https://meemoza.ca/pages/mode-eco-responsable
Message Factory. (2017). Tissus. Repéré à https://www.messagefactory.ca/ca_fr/tissus/
Morgan, A. (20 octobre 2015). The True Cost. . Repéré à https://truecostmovie.com/

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Invocation Canada, Traditions et Savoir-faire
Montréal 375e

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